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partie chapitre 3
Deuxième
partie Automatisme partiel :
Chapitre 1
Les actes subconscients. mis
en ligne le 9/07/2010
Précédemment les
actes étudiés étaient effectués dans un état de conscience homogène,
que l'étendue de leur conscience soit vaste ou restreinte elle se
rapportait à l'ensemble des phénomènes psychologiques du sujet.
Ce n'est pas toujours
le cas. Il y a des actes dont on ne trouve pas l'origine dans les
idées reconnues par la conscience, sans que pour autant ces actes
soient réductibles à des évènements physiologiques. L'automatisme
psychique au lieu d'être complet et entièrement présent à la conscience
" peut
être partiel et régir un petit groupe de phénomènes séparés des autres,
isolé de la conscience totale de l'individu qui continuera à se développer
pour son propre compte et d'une autre manière " p. 222.
Janet va suivre
alors suivre une démarche d'exploration allant des phénomènes simples
aux plus complexes. Il distingue l'oubli d'un acte réalisé de façon
consciente, ce qui résulte d'un manque de mémoire d'un acte véritablement
inconscient effectué par le sujet à l'insu de sa propre conscience.
Janet se réfère à Leibniz et à sa théorie des petites perceptions,
celles-ci ne sont perçues consciemment qu'à partir d'un certain seuil.
Leibniz distingue ainsi la perception par la monade d'un état intérieur
représentant les choses externes et " l'aperception qui est la conscience
ou la conscience réfléchie de cet état intérieur ". Ces phénomènes
inconscients ont bénéficié d'une publicité par le biais des spirites,
quant aux philosophes ils ont essentiellement parlé de phénomènes
inconscients mais seulement de manière théorique. Il s'agit ici d'en
conduire l'étude expérimentale.
La catalepsie
partielle : Elle est identique à la catalepsie sauf que cette
catalepsie ne concerne qu'une partie du corps le reste étant occupé
à autre chose. Janet réalise des expériences où le bras du sujet est
caché par un écran. Lucie : Janet prend les mains de Lucie et les
joints dans la position qu'elles prennent lors des crises de terreur
de Lucie. L'expression du visage de Lucie change en conséquence, sans
que pour autant Lucie le sache. En effet le sujet poursuit sa conversation
ordinaire comme auparavant. Avec un autre sujet qui se tient debout,
Janet tire les deux bras à l'horizontale, Ceux-ci gardent la position
sans que le sujet en ait conscience. Lorsque l'on pose des poids différents
sur ses deux bras, l'effort musculaire s'adapte, à l'insu du sujet
de sorte que la position reste inchangée.
Autre exemple
: Derrière un écran Janet met à la main d'un sujet dont le bras est
anesthésique une paire de ciseaux. Les doigts entrent eux-mêmes dans
la paire de ciseaux les ouvrent et les ferment alternativement. La
main ne sait rien et pourtant elle s'adapte alors même que le sujet
ignore ce qu'il a en main la paire de ciseaux étant hors de son champ
visuel. Il est à noter que le phénomène de catalepsie partielle n'existe
pas dans les membres qui ont conservé leur sensibilité. La catalepsie
partielle n'est seulement liée l'état de veille. Il suffit
qu'il y ait anesthésie du membre associée à une certaine électivité
pour l'expérimentateur. Les actions cataleptiques peuvent exister
à part et vivre de leur vie propre comme c'est le cas dans une crise
d'hystérie. C'est en suivant ce principe que Janet peut fait écrire
" a " et " b " par la main droite d'un sujet en pleine crise ( le
corps est tendu en arc de cercle et de son poing gauche le sujet se
frappe la poitrine). Il n'est pas possible de refuser la conscience
à ces mouvements de catalepsie partielle, pourtant : " il y déjà eu
une conscience dans le sujet qui nous dit je vois, j'entends mais
je ne sens pas que mon bras remue " p 232. Janet fait alors l'hypothèse
d'un autre type de conscience pour le sujet. Pendant la catalepsie
générale Janet a reconnu la conscience à ces phénomènes mais une conscience
très inférieure " constituée de sensations et d'images ". Le caractère
de ces images élémentaires était de n'être pas réunies en une seule
pensée, de ne pas former une personnalité ; c'était des images conscientes
sans idées du moi " p. 232.
Janet cite Dumont
: " Nous trouvons dans un passage de Dumont l'expression complète
de cette hypothèse : "les
mots conscience et inconscience sont pris tantôt dans un sens relatif
et tantôt dans un sens absolu. On dira, par exemple, qu'un phénomène
est inconscient pour exprimer l'idée que le moi n'en a pas conscience,
mais sans affirmer par là que le phénomène n'est pas conscient en
lui-même et pour son propre compte. " "
La distraction
et les actes subconscients ; la distraction chez les hystériques équivaudrait
à une anesthésie momentanée, aussi des catalepsies partielles peuvent-elles
être provoquées sur ces membres non anesthésiques. S'agissant d'un
bras non anesthésique même caché par le carton écran on peut faire
l'objection vague et générale de simulation par le sujet. Cependant
: " dans le lien que les expériences ont les unes avec les autres
: le plus souvent le sujet ne comprend pas ce que l'on fait et il
simulerait tout de travers " p.234.
Expérience
avec Léonie : Léonie écoute autour d'elle des personnes discutant,
mais elle n'écoute ni n'entend Janet même s'il lui commande quelque
chose. S'il s'adresse directement à elle, Léonie s'étonne proteste,
discute le commandement le refuse. En revanche s'il s'adresse directement
à voix basse à Léonie en se postant derrière, elle ne l'entend plus,
elle ne se retourne pas et alors elle exécute ses commandements. La
suggestion consciente pouvait s'opposer à la volonté consciente. "
C'est tout à fait de cette façon que les choses se passent avec Lucie
: si je lui dis tout bas (toujours par le même procédé de la distraction
et non par suggestion directe qui aurait un autre résultat) qu'il
y a un papillon devant elle, la voici qui le suit des yeux, fait des
gestes pour l'attraper, etc., tout en parlant d'autre chose, et, en
disant, si on l'interroge, qu'elle ne voit rien. C'est là un phénomène
identique aux précédents, les choses se passaient de même quand Léonie
cueillait des fleurs sans le savoir. "
Janet suppose
un degré d'autonomie de l'activité inconsciente : il va l'explorer.
Voici quelques
unes de ses expériences :
-numération inconsciente
le sujet fait tout autre chose et exécute pourtant la suggestion au
terme du comptage, lorsque l'hypnotiseur a frappé dix fois dans ses
mains.
- l'écriture automatique.
Le sujet mène une conversation avec ses pairs tout en répondant par
écrit aux questions de l'hypnotiseur.
La distraction
joue un rôle considérable dans les suggestions, tantôt elle supprime
l'idée antagoniste à l'acte suggéré en permettant ainsi l'exécution
qui reste consciente, tantôt elle entraîne la réalisation de l'acte
à l'insu du sujet. La distraction provoquerait une scission de la
conscience, l'une accessible au sujet l'autre non.
Les suggestions
post-hypnotiques (SPH):
historique et description : Il s'agit d'actes exécutés à l'état de
veille sans que le sujet se doute que c'est un souvenir de ce qui
lui a été suggéré à l'état somnambulique.
Différents
types de SPH :
-Les hallucinations
suggérées :
- hallucinations
négatives il s'agit de la suppression de la perception par le sujet
d'un objet ou d'une personne
- hallucination
gustative une sensation gustative s'impose à la sensibilité
Une suggestion
post-hypnotique pourra s'accomplir avec succès alors même que l'intervalle
de temps entre cette suggestion et l'acte à réaliser est important.
Par exemple un sujet se rend à un rendez-vous aux dates et heures
prévues conformément à la suggestion qui lui
a été faite 8 jours auparavant. Une
SPH peut aussi être programmée pour être accomplie lors d'un nouvel
état somnambulique.
Comment la suggestion
post hypnotique s'exécute-t-elle alors que le sujet est en état de
veille ? Il semble nécessaire que le sujet soit dans un " état psychologique
incomplet " de sorte que les phénomènes de veille ne s'opposent pas
à la réalisation de l'acte. Le mécanisme de la suggestion post-hypnotique
est loin d'être le même chez tous les sujets " p 244.
Janet met à part
les sujets chez qui l'état de veille et l'état somnambulique sont
identiques du fait d'une restriction permanente du champ de la conscience.
Ces sujets n'ont pas de véritable somnambulisme, par conséquent ils
conservent la mémoire de leur second état. En fait la nécessité d'une
identité entre l'état somnambulique et état du sujet au moment où,
éveillé, il exécute la suggestion (il est en tous cas tiré de l'état
somnambulique par l'hypnotiseur) se retrouve chez les sujets qui ont
des états bien différenciés veille/sommeil. Au sortir de l'état somnambulique
le champ de la conscience retrouve son étendue, mais il se rétrécit
au moment précis où le sujet exécute la suggestion post-hypnotique
(SPH). De sorte que si l'on prend pour référence l'état hypnotique
et l'état du sujet lors de l'exécution de la suggestion il n'y a aucune
différence. C'est à fortiori la même chose chez des sujets dont le
champ de la conscience est rétréci en permanence.
Ainsi la patiente
de Janet, Rose est anesthésique, mais en somnambulisme elle n'est
anesthésique que du côté gauche. Une fois réveillée, au moment où
elle exécute la suggestion post-hypnotique (SPH), Janet la pince du
côté droit. Elle se met alors à crier ce qu'elle ne fait ordinairement
jamais à l'état de veille : " l'instant suivant, elle avait perdu,
et le souvenir de m'avoir montré quelque chose, et la sensibilité
du côté droit ". P.246.
De même Marie
dont l'acuité visuelle à l'état de veille est faible de l'œil droit
a une acuité bien meilleure en état somnambulique. Or à l'état de
veille au moment où elle exécute la suggestion (passer le balai dans
la pièce) Janet lui prend le balai des mains et lui demande de lire
un texte de l'œil droit et elle y réussit alors que c'est une tâche
qu'elle ne peut ordinairement pas réaliser. De ces expériences se
tire la conclusion que " chez les sujets de cette catégorie, l'état
de la sensibilité au moment où une suggestion post-hypnotique (SPH)
est exécutée est identique à celui où elle a été reçue
". p.247
Enfin au moment
de l'exécution de la SPH chez un sujet non suggestionnable à l'état
de veille on peut proposer un nouveau commandement.
Il y a quatre
caractéristiques importantes au moment de l'exécution d'une SPH :
- 1) Oubli
de l'acte après accomplissement
- 2) Souvenir
au moment de l'exécution de la SPH des somnambulismes précédents
- 3) Variation
de l'état sensitivo-sensoriel
- 4) Augmentation
de la suggestibilité.
Ces quatre caractères
sont ceux qui distinguaient l'état somnambulique de l'état de veille.
Certains sujet pour exécuter des SPH se remettent dans un état somnambulique,
identique à celui dans lequel la suggestion a été reçue ". p.248.
Cependant les
choses ne se passeraient pas ainsi pour tous les sujets. Certains
sujets n'ont ni la mémoire, ni la sensibilité de l'état hypnotique
lors de l'accomplissement de la SPH. De plus comment expliquer lorsque
la SPH est exécutée bien après sa suggestion plusieurs jours par exemple
que les sujets se rendorment au moment de sa réalisation ?
Exécution subconsciente
des SPH
Lucie exécute
les SPH malgré la prévention de Janet qui la prie de tout faire pour
y résister. " Essayez donc de me commander je ne ferais rien du tout
" prétend-t-elle alors qu'elle exécute ses SPH le plus naturellement
du monde et sans la moindre conscience. Les SPH d'hallucinations se
présentent à la conscience de Lucie sans qu'elle puisse en déterminer
l'origine. Elle porte un verre d'eau à sa bouche et croit boire du
cognac.
Les SPH peuvent
être différées sur plusieurs jours. Un sujet exécute à la date prévue
une SPH l'invitant à se rendre 13 jours plus tard à un rendez-vous.
Contrairement à la SPH avec association : " quand vous verrez un tel
vous l'embrasserez ", le recours à un nombre implique une abstraction
: le décompte des jours. Comment la SPH a-telle alors pu s'exécuter
? Pour Janet ce n'est pas du côté de facultés mystérieuses qu'il faut
chercher ; le somnambule lit comme tout le monde l'heure sur les horloges.
Certes il n'a pas conscience de la suggestion mais cela n'empêche
pas que les jours et les nuits fassent impression sur lui. Le compte
doit être fait sans conscience puisque le sujet ne sait pas qu'il
doit accomplir la SPH. Il faut toutefois aller au-delà de la simple
association d'idées.
Dans la SPH sous
condition temporelle, il faut un jugement portant sur le dénombrement
des jours. S'il y a des associations latentes ce que Janet veut maintenant
savoir c'est s'il y a des jugements inconscients autrement dit " le
sujet peut-il faire des comptes sans le savoir ? ". Janet endort la
patiente Lucie à partir d'un jugement de numération quand il aura
frappé 12 fois dans ses mains elle s'endormira. Lorsque Janet a frappé
5 coups Lucie éveillée ne les a pas remarqués, Janet attire son attention
elle convient alors qu'il a frappé une fois dans ses mains. Pourtant
en frappant six coups de plus le sujet s'endort.
Cela
met en évidence l'existence de jugements de numération inconscients.
Janet expérimente d'autres types de jugements :
-identité de deux
lettres
-nombre pair
ou impair
-Somme de nombres
égale à 10
-soustraction,
multiplications et divisions simples.
Les exécutions
sont exactes, sauf lorsque l'opération est trop compliquée. Les jugements
inconscients sont possibles et les somnambules peuvent fort bien compter
les jours et les heures qui les séparent du jour où la SPH est à exécuter.
Pour connaître
les opérations psychologiques qui président à ces jugements inconscients.
Janet utilise l'écriture automatique. Il fait faire à Lucie l'opération
: 739 * 42. Tout en racontant le déroulement de sa journée, sans s'en
rendre compte Lucie effectue par écrit le calcul de sa main droite.
Janet demande à Lucie d'écrire une lettre. Son contenu témoigne d'une
certaine intelligence, mais en réitérant l'expérience il constate
que Lucie écrit toujours la même lettre. Lette dont Lucie une fois
éveillée reste incapable d'expliquer le sens et, bien
entendu ne se souvient pas d'avoir écrite. Janet converse avec Lucie
uniquement par le biais de l'écriture automatique.
Il se demande
ce qu'est l'inconscience, car la parole est pour nous le signe de
la conscience d'autrui. En est-il autrement de l'écriture ? Il ne
le croit pas, selon lui les phénomènes observés appartiennent plutôt
à une conscience particulière, en deçà de la conscience normale. Chez
Léonie une suggestion donnée dans un état plus profond de somnambulisme
prend la forme d'un acte subcsonscient quand le sujet est revenu à
un état différent et surtout moins profond.
C'est à une pensée
subconsciente que Janet attribue la formation d'une plaque rouge en
forme d'étoile chez l'un de ses sujets, car il n'y a aucun nerf qui
se distribue à lui seul sous la forme d'une étoile à 6 branches. Il
y a une pensée qui coordonne l'excitation. Autre exemple Rose a eu
des hémorragies utérines. En état somnambulique l'interdiction
des saignements ne permet pas de les arrêter. Cependant, sous somnambulisme
elle dit avoir déjà arrêté ces saignements en buvant de l'ergotine.
Aussi Janet lui fait la SPH suivante ; vous buvez toutes les deux
heures une potion à l'ergotine. Toutes les deux heures Rose accompli
alors un singulier manège de sa main droite comme si elle tenait une
cuillère pour la porter à sa bouche, mais quand on lui demande ce
qu'elle fait elle soutient ne pas avoir bougé. L'hémorragie elle s'est
arrêtée. Janet conclu que les SPH ne présentent qu'en apparence une
différence avec l'idée suggérée lors du somnambulisme. Celle-ci ne
disparaît pas elle subsiste et se développe en dehors et en dessous
de la conscience normale. Quand elle arrive à son développement complet
l'acte suggéré s'exécute sans jamais avoir pénétré la conscience du
sujet éveillé. " Elle entre pour un moment dans la pensée la modifie
et ramène plus ou moins ou moins complètement à l'état somnambulique
initial. La SPH nous révèle l'existence de la pensée subsconsciente.
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