Une histoire sur plusieurs années que je considère comme exemplaire, dans la mesure où il s’agit d’une authentique malade psychosomatique atteinte d’une recto-colite hémorragique. Exemplaire dans la mesure où j’ai un suivi considérable. J’étais chercheur au CNRS. Au service de gastro-entérologie, vient une très jeune fille, 18 ans elle est belle pâle a de grands cheveux souriante « comme si de rien n’était ». A l’égard de ce qui l’amenait elle semble indifférente (ce que certains auraient appelé la belle indifférence des hystériques). Elle venait de province avec une recto colite hémorragique gravissime (lésions jusqu’à l’intestin grêle). Elle vient se faire hospitaliser. Ce fut fait. A peine était-elle hospitalisée que c’est un effondrement total au plan biologique ; selles purulentes hémorragiques. « Comme si de rien n’était » cette expression me vient à l’esprit parce qu’à l’opposé des névrosés qui exhibent leur angoisse cette patiente va très bien comme si de rien n’était. Le Pr L… envisage l’ablation totale de l’intestin avec anus artificiel. Ce cas est pathognomonique. L’idée que cette belle jeune femme se trouve à l’orée de l’existence avec un anus artificiel pour la vie… Emus nous avons convaincu le Pr L… de faire une prise en charge psychosomatique intensive. C’est dans un état dramatique au plan biologique, symptomatique, et psychique que je me retrouve avec cette jeune femme. J’allais avoir à fonder beaucoup sur mon intuition. Ce n’est pas la première fois…
C’est un peu intuitivement que je me suis trouvé mettre en place une série de dispositions qui me semblaient pouvoir être contrôlées ou justifiées par la situation. Ce n’est que beaucoup plus tard que je pouvais en faire une interprétation théorique. Cette jeune femme se trouvait dans l’état que je venais de vous décrire, ne répondant à aucune sollicitation. J’ai pris sur moi de la voir tous les jours (simple présence auprès d’elle). Elle ne semblait répondre à rien du tout. C’était une présence quotidienne ; dimanches compris. Je ne peux pas vous dire combien de jour a duré cette période initiale ; main sur son avant-bras ne prononçant aucun mot. Un traitement médical avait été mis en place, tandis que qu’une bactériémie se mit en place sur ses membres inférieurs. Si un contact pouvait s’établir elle allait pouvoir entendre au sens métaphorique « quelque chose ». Intuitivement il fallait assurer une continuité dans la relation en laissant, un crayon, une gomme, un petit objet qui maintenait sur un plan métaphorique la relation avec moi. Elle est sortie de l’état psychique dans lequel elle s’est trouvée pour engager une authentique relation transférentielle qui devait flamber et beaucoup inquiéter la famille. La jeune fille était convaincue que l’issue de cette aventure était un mariage avec moi. Malgré tout face à cette relation j’ai fait apparaître un troisième terme : l’infirmière : « Clo-Clo », matérialisant une triangulation. Après avoir laissé un objet représentatif puis triangulé avec la présence de CLo-Clo. Il fallait mobiliser ses capacités de mentalisation, car elles m’apparaissaient assez médiocres. C’était une cavalière et beaucoup se jouait au niveau psychomoteur de ses investissements. Elle avait tout de même un goût pour le dessin, étant cavalière elle dessinait des chevaux avec des crinières comme la sienne. Mais elle ne pouvait dessiner le bas des chevaux, dans la mesure, où, pensai-je, elle avait le bas des jambes atteint. Elle a été hospitalisée 9 mois. Au plan de la symptomatologie il y a eu une amélioration considérable. Certes elle avait été touchée au niveau médical mais elle avait meilleur moral. Il fallait aller plus loin que de dessiner. Je m’étonne encore d’avoir eu l’idée de la mentalisation. J’ai eu l’idée de lui faire lire des romans de Chester Himes extrêmement sadiques. Un de ces romans parle d’un motard qui s’empale littéralement et se fait décapité par les tôles du camion qui est devant lui. C’était là l’idée de la convoquer sur un mode pulsionnel extrêmement régressif : sadique anal.
Elle a commencé à aller mieux. Elle bondissait à la fenêtre pour voir ma voiture partir. Elle a échappé à la colectomie. Elle est retournée dans sa bretagne, revenant me voir pour continuer sa psychothérapie sur un mode relativement banal. Elle est venue de moins en moins souvent. Cette jeune femme s’est mariée et a eu deux enfants (pas de rechutes significatives sur la période vingt ans). Mais un jour, lors d’un contrôle systématique dans le service, il s’avéra que les lésions qui avaient toujours été présentes, dégénéraient en cancer. Elle a été colectomisée. En lui évitant la colectomie on lui avait permis d’engager une existence mais en risquant une dégénérescence cancéreuse. Les psychothérapies ont évoluées, les psychanalystes ont évolué. Cette histoire d’une personne dont le cancer a flambé, est tout à fait exemplaire, car c’est une prise en charge comme il est rare qu’on ait la possibilité d’enfaire. Cette jeune femme intelligente qui avait fait des études restait au ras de tout ce qui factuel. Mon objectif était de tenter de mobiliser tout ce qui était de l’ordre de la mentalisation ; rapprocher son fonctionnement de celui d’un névrotique, c’est-à-dire un sujet dont le destin est déterminé par une problématique psycho-sexuelle. Alors que dans cette conduite pathologique tout se passe comme si l’énergie était sans qualités, qu’elle n’avait rien à voir avec les instincts, les refoulements, mais plutôt avec des décharges et des inerties. Pas de plaisir est on en droit de prendre de tels risques avec la patiente ? Certainement pas. Alors il ya quelque chose qui coince l’analyste lui-même. A quel drame à quel charme a -t-il été sensible ? Il faut être vigilant. Quand j’ai pris l’initiative de la triangulation par « Clo-Clo » je l’ai fait pour moi afin d’éviter que ne s’aggrave le rapport duel. Je me trouve avoir des problèmes voisins avec d’autres situations… Je parle avec des malades atteintes de pathologies somatiques et qui savent qu’ils vont mourir dans les mois qui viennent. Il y a une certaine parenté avec cette situation ; car c’est une relation variable avec des accents - certains viennent vous voir en disant qu’ils ne veulent pas mourir, d’autres viennent vous voir parce qu’ils veulent continuer à vivre. L’objectif est de passer du refus à la continuité de vivre, passer à la mentalisation de l’ordre du psycho- sexuel. Un de mes élève atteint d’une pathologie de l’œsophage prise en charge par téléphone, eh bien nous en étions au téléphone à discuter d’un souvenir d’enfance un soulier avec une boucle d’argent…alors qu’une autre patiente femme n’accède que par bouffée à la psycho-sexualité. Que faire ? Introduire de la séduction ce qui est contre -indiqué normalement en psychanalyse- mais sans psycho-sexuel dans le champ élémentaire du principe d’inertie. Ainsi il y a des maladies somatiques qui à la faveur de la menace qui pèse sur les ? …qui viennent que l’on peut mettre en place en véritable travail et faire pencher la balance du côté de la mentalisation c’est-à-dire continuer de vivre.
Réponses du conférencier aux questions de la salle :
L’école psychanalytique de Paris est arrivée à une idée assez claire du fondement mental de malades psychosomatiques : c’est le fonctionnement opératoire. Pas de symptômes névrotiques mais impression d’un malade hypernormal. Le sujet investit la réalité dans ses aspects opératoires. Modalités particulières de fonctionnement mental. Toutefois c’est assez caricatural, car il est impossible qu’un être vivant fonctionne comme un horaire de chemin de fer. Autre exemple un patient névrotique déclenche sa recto-colite hémorragique pendant son analyse. Ce qui s’est révélé c’est que la névrose obsessionnelle n’était qu’une superstructure l’économie se jouant ailleurs. C’est un peu comme le tableau rongé par les termites qui semble tenir et part en poussière dès qu’on veut le déplacer. Il y a une différence entre structure et superstructure. La mentalisation psycho sexuelle : c’est la capacité à faire des symptômes névrotiques. Faire des injections de représentation, là où il y avait un défaut de représentation, en introduisant une valeur métaphorique j’introduis de la métaphore. Il s’agit de balancer de la métonymie à la métaphore. Q° Y-a-t-il des maladies typiquement psychosomatiques ? Il est courant de penser que les maladies chroniques ont un susbstrat psychosomatique. Finalement on observe pathologie somatique ou pas que certaines ont tendance, après un certain nombre d’entretiens, à régresser est que cela ne nous ferait pas considérer toute pathologie comme psycho somatique ? Il y a une participation psychologique dans toute pathologie mais cela n’a pas pour autant la dignité de la pathologie psychosomatique. La pathologie psychosomatique désigne des pathologies où il y a imbrication des structures pathologiques (soma/psyché ?). On peut en dresser la liste : asthme, hypertension… On peut d’autant plus considérer la légitimé de la pathologie psychosomatique que le sujet est jeune. Une coronarite, par exemple, chez un sujet âgé ça n’a pas de sens psychosomatique, chez un sujet jeune cela a un tout autre sens. Cette imbrication doit être telle qu’elle constitue un ensemble cohérent. Exemple : la jeune fille en question ce n’est que dans le cours avancée de la psychothérapie que l’on aurait pu trouver un sens à son affection. Ce que l’on apprend ce sont les interactions entre physique et psychique. L’effondrement psychique allait de pair avec l’effondrement biologique. Régression de la symptomatologie avec un suivi régulier. Oui mais la disparition d’un symptôme il n’y a pas lieu de s’en réjouir car il peut être remplacé par un symptôme plus grave. Un patient avait un colon irritable. Il a un traitement qui se révèle efficace, mais apparaît une « coccygodynie » ? Le traitement médical a été arrêté pour laisser reprendre la colopathie. En psychothérapie peut être aurait-il pu bénéficier de la disparition d’un symptôme de façon positive.
Q° Y-a-t-il des maladies typiquement psychosomatiques ?
II est courant de penser que les maladies chroniques ont un susbstrat psychosomatique. Finalement on observe pathologie somatique ou pas que certaines ont tendance, après un certain nombre d’entretiens, à régresser est que cela ne nous ferait pas considérer toute pathologie comme psycho somatique ? Il y a une participation psychologique dans toute pathologie mais cela n’a pas pour autant la dignité de la pathologie psychosomatique. La pathologie psychosomatique désigne des pathologies où il y a imbrication des structures pathologiques (soma/psyché ?). On peut en dresser la liste : asthme, hypertension… On peut d’autant plus considérer la légitimé de la pathologie psychosomatique que le sujet est jeune. Une coronarite, par exemple, chez un sujet âgé ça n’a pas de sens psychosomatique, chez un sujet jeune cela a un tout autre sens. Cette imbrication doit être telle qu’elle constitue un ensemble cohérent. Exemple : la jeune fille en question ce n’est que dans le cours avancée de la psychothérapie que l’on aurait pu trouver un sens à son affection. Ce que l’on apprend ce sont les interactions entre physique et psychique. L’effondrement psychique allait de pair avec l’effondrement biologique. Régression de la symptomatologie avec un suivi régulier. Oui mais la disparition d’un symptôme il n’y a pas lieu de s’en réjouir car il peut être remplacé par un symptôme plus grave. Un patient avait un colon irritable. Il a un traitement qui se révèle efficace, mais apparaît une « coccygodynie » ? Le traitement médical a été arrêté pour laisser reprendre la colopathie. En psychothérapie peut être aurait-il pu bénéficier de la disparition d’un symptôme de façon positive.
Q° Pourtant cette jeune fille a été mariée. Votre patiente elle avait un mari et pourtant elle a déclenché un cancer 20 ans après.
La séduction a sa place quand il y a une défaillance au niveau de la mentalisation. Dans l’espoir de faire évoluer la situation dans le sens du psycho-sexuel. La mère lui transmet des messages qui sont séducteurs et vont permettre la mobilisation du psycho sexuel et non du purement psychosomatique. Je vais aborder la théorie du développement pour que ce soit clair. Dans les premiers jours de son existence le tout petit a des besoins qui sont physiques et doivent être satisfaits. Si cette prise en charge ne satisfait pas les besoins élémentaires ça va mal aller, la capacité d’intervenir dans le psycho-sexuel ne va pas se développer. La mère lui transmet des messages qui sont séducteurs et vont permettre la mobilisation du psycho sexuel. Avec la patient psychosomatique c’est un peu cela que nous tentons car il et trop immergé dans l’ordre du factuel et des besoins. Si vous conférez à certains de ces propos une valeur métaphorique propre au terrain psycho sexuel, commémoration de l’époque où sa mère lui délivrait des messages psycho sexuels généralisés. Quand vous dites que la patiente s’est mariée elle n’a pas cédé à la même séduction. Elle était hors d’état d’entendre d’autre voix que la mienne. Je ne pense pas qu’elle ait accédé au psycho sexuel du névrotique. Elle est restée structurellement une patiente psychosomatique. Cela n’a pas réapparu, cela a dégénéré. Toutes les recto colytes hémorragiques sont exposées, au bout de 15 ans, à dégénérer. Il n’y avait pas eu de guérison mais une énorme amélioration psychosomatique ; des lésions persistaient mais sans symptomatologie
Psyfph2.