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Le cerveau pendant la transe hypnotique

samedi 21 avril 2012, par psyfph2

B.Suarez médecin radiologue à l’hôpital de Garches présente les dernières avancées des neurosciences dans la compréhension du phénomène hypnotique. Celles-ci sont principalement liées aux techniques d’imagerie cérébrale (PET Scan, l’EEG, l’IRM fonctionnelle magnéto-encéphalographie).

Cette conférence peut être écoutée et téléchargée sur :

http://archive.org/search.php?query=le%20cerveau%20pendant%20la%20transe

Pour voir le cerveau humain « penser » différentes techniques sont utilisées en médecine et en neurosciences :
- Electroencéphalogramme. Il s’agit de la plus ancienne ; des capteurs sont placés sur le cuir chevelu préalablement humidifié, les différences de potentiel sont mesurées à sa surface. Elle permet une cartographie de l’activité cérébrale d’une excellente résolution temporelle.
- Magnéto-encéphalographie, plus récente, plus coûteuse, de même principe que l’électroencéphalogramme. Au lieu de mesurer des différences de potentiels, elle mesure des différences de champ électrique à la surface du cuir chevelu. Cette technique est la plus adaptée pour capter les phénomènes de conscience de résolution temporelle de 0 à 400 ms.
- PET Scan (en français, Tomographie par Emission de Positons) très employé au début des neurosciences. Il a deux inconvénients : des images assez grossières et l’injection d’un produit radioactif au patient.
- Imagerie par Résonnance Magnétique (IRM). Cette technique utilise un gros aimant supra conducteur. Apparue en 1970, l’idée est de détecter les modifications de flux au niveau du cortex cérébral au moment d’une tâche mentale. Il est aussi possible d’étudier le métabolisme grâce au Spectro-IRM et le fonctionnement d’un organe avec l’IRM fonctionnel.

Les études des effets de l’hypnose sur le cerveau à partir de ces techniques tentent de répondre aux questions : y-a-t-il modification du fonctionnement cérébral ? L’hypnose est-elle une forme particulière de conscience ? Les effets des suggestions sont-ils perceptibles ?
La science est aux portes de la conscience. Les neurosciences sont en train de décortiquer les différents processus de la conscience, elles n’en sont qu’au tout début. Ces études reposent sur la rencontre de mathématiciens, psychologues, neurologues, radiologues…
Il y a 5 formes physiologiques de la conscience, elles dérivent des 5 sens. A l’heure actuelle, seule la conscience visuelle a été décortiquée (travaux de Stanislas Dehaene). La transe hypnotique commence à être étudiée. Pour ce qui est de la méditation, l’orgasme, l’accouchement, la conscience du fœtus et du nourrisson, la conscience en fin de vie, il n’y a que très peu de données.
B. Suarez présente le schéma du modèle de J.-P. Changeux et S. Dehaene (1998) nommé « espace neuronal de travail ». Il suppose un processeur central connecté à des axones à fibres longues (spécificité du cerveau humain et des primates évolués par rapports aux autres espèces de mammifères). Ce processeur central est connecté avec d’autres processeurs périphériques qui fonctionnent à la fois en parallèle et en série. Jusqu’à présent les modélisations proposées (de type ordinateur) étaient peu adaptées au cerveau humain. Ce modèle permet de faire des prédictions qui n’ont pas encore été infirmées par les avancées de la recherche.
Ces recherches portent sur :

Les formes pathologiques de la conscience
En matière d’épilepsie, d’anesthésie, de syndrome confusionnel, comas, apparaissent les premières applications cliniques. Pour ce qui est des comas, on commence à y voir plus clair et à en discriminer différentes formes. Ainsi l’IRM fonctionnel a permis de découvrir qu’un patient qui ne pouvait faire le moindre mouvement, pas même bouger le bout des doigts ou ouvrir les yeux, comprenait en fait tout ce qu’on lui disait. La communication a été possible grâce aux machines. Ce n’était pas un coma.

Le fonctionnement du cerveau pendant l’hypnose lors de :
-  Phénomènes douloureux
-  Remémoration d’un souvenir agréable
-  Modification des perceptions : couleurs, sons…
-  Synesthésies
-  Tests d’attention
-  La motricité.

- Phénomènes douloureux
Rappel sur l’intégration corticale de la douleur : la douleur est un phénomène subjectif, difficile à décrire pour l’observateur objectivable au niveau du cerveau. Descartes a donné les premiers modèles des reflexes nociceptifs. Il pensait que c’était un système pneumatique commandé par la glande pinéale.
La douleur est multidimensionnelle, trois composantes peuvent être identifiées : sensorielle, affective, cognitive. Elles correspondent à trois zones différentes du cerveau. La composante sensorielle permet l’identification de la douleur via insula et cortex. La composante affective émotionnelle signale l’inconfort, fonction dévolue au cortex cingulaire antérieur. Enfin la composante cognitive et cognitivo-comportementale interprète la douleur afin de modifier le comportement, exemple retirer sa main de la flamme : rôle rempli par le cortex préfrontal et pré-moteur.
Il faut parler de matrice corticale de la douleur car lors d’un stimulus douloureux il n’y a pas une seule région du cerveau sollicitée mais bien trois. Les premières à avancer l’existence de cette matrice sont Roland Peyron et Bernard Laurent (1990) neurologues de St Etienne à partir du PET Scan.

Comment moduler la douleur ?
Les anesthésistes le savent bien ils ont recours à l’hypnose au bloc opératoire. L’hypnose limite la sensation douloureuse de 50% ce qui est bien plus efficace que la simple distraction. Enfin, contrairement aux médicaments, elle n’a pas d’effets secondaires. Les professionnels qui prennent en charge des patients douloureux, anesthésies, soins palliatifs, cancérologie, gestes invasifs doivent se former à l’hypnose. En radiologie Elvira Lang réalise ses radiologies interventionnelles : ponctions, biopsie osseuse, sous hypnose à l’hôpital de Boston.
Avec des suggestions adaptées, il est possible de moduler l’intensité de la douleur (Pierre Rainville 1997). Elles entraînent une diminution d’activation de la zone S1 cortex somato-sensoriel, modulant aussi une diminution du désagrément de la douleur par la baisse d’activation du cortex cingulaire antérieur (zone profonde du lobe frontal). Le contrôle sous hypnose de la douleur en temps réel est observable avec l’IRM fonctionnel. Il est demandé à un sujet sain d’imaginer que sa douleur correspond à une flamme, puis d’en diminuer la puissance. La baisse de cette flamme se traduit par la diminution de la zone d’activation cérébrale. Les sujets sains ou douloureux chroniques arrivent très vite à contrôler le phénomène douloureux en diminuant la flamme. L’hypnose est-elle identique à l’effet placebo ? Avec le placebo, une pilule sans contenu actif entraîne 10 et 30% d’amélioration cela est deux fois plus efficace avec les enfants. Il s’avère que les zones activées par le placebo sont différentes de celles de l’hypnose. Alors que l’analgésie placebo se fait en lien avec l’activation de zones cérébrales réceptives aux endorphines opiacées, l’analgésie hypnotique mobilise d’autres zones cérébrales non réceptives aux opiacées.

- Remémoration d’un souvenir agréable sous hypnose
Se remémorer un souvenir sous hypnose est très différent (vivacité, richesse) de sa remémoration à l’état de veille. Les activations cérébrales sont différentes de celles de l’état de veille, entre autres les zones du cortex cingulaire postérieur. Cette différence d’activation expliquerait l’impression du sujet de vivre la situation plutôt que de se la remémorer (travaux de Marie-Élisabeth Faymonville et Steven Laureys).

- Modulation des perceptions sous hypnose :

  • sons
    Elle est possible sous hypnose, l’activation cérébrale (cortex cingulaire antérieur) est la même quand un sujet écoute de la musique ou qu’il se la rappelle sous hypnose, contrairement à ce qui se passe en situation d’éveil simple.
  • couleurs
    Dans cette expérience les sujets regardent des panneaux de couleurs versus des panneaux de noir de gris et de blanc. L’activation en éveil normal active des régions distinctes du cortex occipital. En éveil normal, si l’on demande au sujet d’imaginer que le panneau coloré est gris les zones de perception de la couleur restent actives alors que sous hypnose ce n’est plus le cas.

- Synesthésies
Dans une étude récente (2009) l’hypnose pourrait déclencher des épisodes de synesthésies. Ce sont des associations du type couleurs-chiffres souvent liées à une aisance et une rapidité des sujets en calcul mental. Il y a des sujets autistes savants qui font cela très vite. La question était de trancher entre, une origine génétique avançant des connexions neuronales supplémentaires dans le cerveau ou, au contraire, une capacité susceptible d’apprentissage.
Deux groupes de sujets sont constitués : non synesthètes G1 et synesthètes G2. Le groupe G1 reçoit une suggestion post-hypnotique de couplage de chiffres à des couleurs. Lors de l’épreuve de reconnaissance de chiffres colorés sur des fonds de couleurs G1 échoue comme G2 le groupe de synesthètes. La synesthésie ne serait pas génétique mais acquise.

Y-a-t-il une spécificité cérébrale des sujets facilement hypnotisables ?
Une étude tente de distinguer les sujets faciles, difficiles, très difficiles à hypnotiser pour trouver des spécificités cérébrales. Elle montrerait chez les sujets facilement hypnotisables que le corps calleux, la substance blanche qui fait communiquer les deux hémisphères, serait plus épaisse chez ces sujets. Peu de répliques de cette étude pourtant sérieuse, B. Suarez constate que, dans son service, il y a eu des sujets atteints de sclérose en plaques (ils n’avaient quasiment plus de corps calleux) et répondaient pourtant bien à l’hypnose.

- Tests d’attention/conflits attentionnels
Un professeur de psychologie américain a utilisé le test de Stroop pendant l’hypnose. Dans ce test attentionnel composé de noms de couleurs, une couleur, par exemple le rouge, est écrit en bleu. Le sujet doit indiquer la couleur de l’encre. Les erreurs augmentent avec la cadence. La difficulté est que le mot indique une couleur qui n’est pas celle de l’encre. Avec l’augmentation de la cadence les sujets font une erreur sur deux. Le cerveau a du mal à faire deux choses à la fois. Sous hypnose les gens faciles à hypnotiser ont de très bons résultats au test de Stroop alors que les sujets témoins continuent à se tromper. C’est un peu comme si le fonctionnement du cerveau se fluidifiait. Cela a même fait l’objet d’un article dans le New York Times en 2005.

- La motricité
Il s’agissait d’étudier les mouvements produits spontanément sous hypnose, parfois ces mouvements sont spectaculaires. Pour cela l’autohypnose a d’abord été apprise par les étudiants en médecine de deuxième année de l’hôpital de Garches. Ensuite on leur fait faire le mouvement.

Premier protocole.
Peut-on modifier la voie cortico-spinale lors de la simulation avec le processus hypnotique ? Si on stimule (le cortex moteur primaire) avec un petit champ magnétique intense et bref une contraction réflexe du membre se produit de l’autre côté (puisque la motricité est croisée au niveau des hémisphères et de la partie du corps qui bouge). En fait, on voulait tester la fin du mouvement, lorsque l’ordre est déjà lancé l’hypnose pouvait-elle agir entre la zone motrice et l’action musculaire ? Pour cela on stimulait directement cette zone là soit un ou deux neurones. On utilise des petites sondes en plastique posées sur le crâne. Elles servent aussi pour les patients atteints de dépression grave ou de trouble obsessionnels compulsifs… Le sujet porte un corset de paraplégique pour éviter tout mouvement parasite et s’assurer que seul son bras bouge. Avec un électromyogramme on enregistre les contractions du muscle. On pose une sonde en plastique sur l’hémisphère opposé, si vous regardez bien il y a un petit tressaillement à chaque impulsion, et on regarde si avec une suggestion de lévitation du bras sous hypnose il y a une modification du mouvement. C’est assez angoissant de sentir son corps bouger alors que vous ne contrôlez rien mais pas sous hypnose. 5 Sujets ont fait cette expérience il n’y a pas de modification du seuil de réponse électromyographique la voie cortico-spinale de la motricité n’est pas modifiée par l’hypnose. Il faut chercher ailleurs la modification de la motricité sous hypnose. En revanche, on sait que le réflexe de nociception au niveau médullaire est modifié par l’hypnose un sujet : sous hypnose va retirer moins vite sa main quand il se brûle ou se pique.

Deuxième protocole à l’aide de l’IRM fonctionnel.
On apprend aux sujets à faire un mouvement sous hypnose. Ils font aussi ce mouvement sans hypnose. Les suggestions étaient faites avant les séquences. Les sujets ont un casque sur les oreilles car l’IRM fait un bruit terrible et on leur parle dans le casque entre les séquences pour entretenir la transe hypnotique. L’étude a porté sur 10 sujets, mais 6 protocoles seulement ont été validés car l’IRM est sensible aux mouvements : normalement il ne faut pas bouger du tout pour ne pas en perturber le fonctionnement. Or, dans cette situation expérimentale les sujets devaient faire des mouvements au niveau des bras et bien sur il y a eu pour certains des oscillations au niveau de la tête et du reste du corps.
Sans hypnose l’activation corticale des aires motrices est normale. En revanche, sous hypnose il y a une activation spécifique un peu différente des zones cérébrales suivantes : cervelet en bas face postérieure, lobe pariétal droit, activation du cortex cingulaire antérieur surtout à droite, et activation du lobe temporal.
L’étude de la motricité pendant l’hypnose n’est pas une idée nouvelle, J-M Charcot avait décrit 17 maladies et syndromes avant de s’intéresser à l’hystérie et à l’hypnose en 1872. Il pensait que l’hypnose était le symptôme de cette maladie. Il est le premier à avoir examiné les patients fait des autopsies et établit la présence d’altérations. Il s’est intéressé aux localisations motrices du cortex cérébral chez l’homme (1879). Il utilisait une hypnose très directive avec des suggestions directes. En 1885, Richet et Charcot publient un cas clinique de suggestion hypnotique de paralysie. Il faudra attendre 2004 pour obtenir des études plus récentes.

La suggestion de mouvements et l’entraînement musculaires
Il ne s’agit pas d’hypnose mais cela nous intéresse. Dans cette étude (2004) deux groupes de sujets sont constitués. Le premier groupe s’entraîne physiquement à faire des pompes. Le second réalise uniquement un entraînement mental. Afin de vérifier l’absence de mouvement musculaire un électromyogramme est couplé à une électroencéphalographie.
L’entraînement mental augmente la force des petits muscles de 35% et les biceps entre 13 et 14%. Ce point peut intéresser les sportifs de haut niveau.

Une équipe anglaise a étudié en 2003 (Suzan Blackmore et David Oakley) la motricité sous hypnose. Ils ont trouvé les mêmes zones d’activation cérébrales : cortex pariétal et du cervelet.
Angela Sirigu, chercheur en neurosciences à Lyon, s’est intéressée aux patients qui devaient être opérés d’une tumeur cérébrale (2009). Elle a réalisé des stimulations électriques directes de certaines zones cérébrales pariétales. Un volet de la boîte crânienne ayant été retiré des électrodes sont posées les sujets étant conscients indiquent ce qu’ils ressentent lors des stimulations électriques des zones cérébrales. Ainsi les parties les plus importantes des zones cérébrales motrices sont repérées pour enlever au mieux la tumeur. Avec ces stimulations directes des zones pariétales certains patients ont ressenti une forte envie de bouger, un autre a eu l’impression d’avoir parlé, s’inquiétant de ce qu’il avait pu dire, alors qu’il n’avait rien dit, ni même bougé les lèvres. Il en a seulement eu l’illusion. Il n’était évidemment pas possible de tout stimuler un tout petit volet osseux étant ouvert. Cette expérience conduit aux conclusions suivantes : la conscience du mouvement dépend du lobe pariétal au cœur d’un circuit de planification de l’action. La stimulation artificielle du cortex pariétal suscite des intentions motrices ainsi que l’illusion d’accomplir le mouvement.
Si avec l’hypnose il n’est pas possible de modifier la motricité cortico-spinale, la voie terminale du mouvement, il semble qu’un réseau spécifique temporo-pariéto-cérebelleux soit activé lors des mouvements accomplis sous hypnose. Cela pourrait aboutir à des applications facilitant la rééducation des patients tétra/paraplégiques.
En matière de mouvements involontaires, l’hypnose pourrait s’avérer un outil intéressant pour comprendre : l’hystérie, les mouvements et les danses particuliers de chamanes, oracles en d’Asie mais aussi les pseudos crises d’épilepsie d’enfants. Parmi les enfants dont l’épilepsie est classée résistante au traitement médicamenteux, certains ont en fait des crises de mouvements anormaux qui n’ont rien à voir avec l’épilepsie.
Une étude récente (2008) d’un neuropédiatre américain de Standford a montré que l’hypnose peut produire ces pseudos-crises d’épilepsie et également les stopper.
L’hypnose est aussi intéressante en matière de schizophrénie, car les schizophrènes sont sujets à des pertes de contrôle de leurs mouvements avec l’impression d’être contrôlé par quelqu’un d’autre, de n’être plus responsable de leurs actes.
Patrick Vuilleumier (2001) professeur de neurologie de Genève a étudié la paralysie hypnotique de la main gauche en IRM fonctionnel à partir de trois situations sur une population d’étudiants :

  • paralysie simulée (il est demandé au sujet de faire semblant)
  • paralysie hypnotique
  • état normal.

Il obtient des résultats montrant pour ces trois situations des activations différentes du cerveau. Pendant la paralysie hypnotique apparaît une activité cérébrale spécifique correspondant à un réseau neuronal distinct de celui la simulation. Les patients sont dans un état d’hyper contrôle, les zones qui contrôlent le mouvement sont suractivées contrairement à ce qui se passe chez les sujets simulateur. Cela s’oppose à l’image populaire de l’hypnose où le sujet hypnotisé est sous contrôle de l’hypnotiseur.
Malgré les suggestions de paralysie, l’activité liée aux intentions motrices est préservée et la volonté d’agir n’est pas inhibée : les zones qui contrôlent le mouvement restent activées contrairement aux simulateurs. Loin de stopper les processus de contrôle l’hypnose les active.
Pendant l’hypnose les régions du cerveau communiquent différemment entre elles en faisant appel à des zones liées à la représentation de soi et à l’imagination.
C’est ce que disaient déjà Puységur, Braid, Charcot, Bernheim, Faria : l’hypnothérapeute n’y est pour rien, c’est le sujet qui fait tout le travail. Il n’y a pas d’inhibition directe du cortex moteur par les ordres de l’hypnotiseur mais plutôt un changement d’activité du cortex frontal et du cortex pariétal.
Patrick Vuilleumier (2009) s’est intéressé à l’hystérie tentant d’expliquer le fonctionnement cérébral pendant la paralysie hystérique. Il montre qu’il y a des vrais troubles du fonctionnement cérébral avec des connections différentes. C’est une vraie maladie qui empêche les gens de bouger, elle est bien différente de la simulation.

Le langage
Elvira Lang à Boston, outre la radiologie, mène des recherches en linguistique médicale. Elle a publié dans la revue « Pain » (2005) une étude montrant que les mots peuvent blesser les patients. Elle a filmé les interventions de son équipe auprès des patient et noté le niveau de douleur pendant l’intervention.
Elle montre qu’il y a un effet nocebo du langage empathique, des expressions telles que : « ne bougez pas », « vous n’allez pas avoir mal », « restez tranquilles » ont l’effet inverse à celui escompté, augmentant douleur et anxiété.
Sa dernière publication porte sur les effets bénéfiques de l’hypnose et s’intitule : « Effet adverse de l’attention empathique pendant le traitement percutané des tumeurs. Etre gentil n’est pas suffisant ».
Le recours à l’hypnose consisterait alors pour les soignants à faire l’apprentissage d’une technique de communication avec les patients complètement différente de l’empathie. L’empathie c’est : je vous prends la main, je viens pleurer avec vous et cela aggrave l’angoisse et la douleur du patient.

Pierre Janet après la mort de Jean-Martin Charcot sera l’un des seuls à s’intéresser à l’hypnose. Il estime en 1923 « le désintérêt pour l’hypnose n’est qu’un accident momentané dans l’histoire de la psychothérapie ». L’histoire lui donne raison.

Questions de la salle :
- Question sur la technique : vous dites pendant l’hypnose il ne faut pas être gentil, il ne faut pas consoler ne pas être empathique, alors vous vous faites comment finalement ?

L’idée de la séance d’hypnose c’est d’utiliser 20 ou 25 points qu’il faut respecter de façon très scrupuleuse pour permettre au patient d’entrer dans cet état particulier et résoudre sans efforts ses difficultés.
L’hypnose c’est l’imagination à chaque séance. Du coup, il m’est impossible de dire que j’ai une recette car vous partez du comportement verbal et non verbal du patient
Au sein même des adultes et des enfants vous allez avoir des séances adaptées au patient. C’est un peu particulier, vous allez être le caméléon de votre patient, c’est lié à la personnalité de votre patient. Il n’y a pas de recettes, même s’il y a 25 points. Sauf en neurosciences, là il s’agit d’une étude, on a appliqué strictement des scripts. Ce sont des phrases toutes prêtes, toujours les mêmes, lues aux sujets. Mais le but c’était de faire de la recherche pas de la thérapie.
En hypnose éricksonienne il ne faut surtout pas faire ça. Pas de recettes.
On peut faire de l’hypnose conversationnelle, si l’on a pas beaucoup de temps. Il faut partir des mots du patient, vous attendez que ce soit le patient qui vous suggère des choses. En hypnose on évite les verbes choquants en cherchant plutôt à utiliser des verbes mobilisateurs : construire, bâtir, harmoniser… Après il y a les 25 points c’est tout un apprentissage.

- Question : Quelle durée s’il y a 25 points, c’est 25 séances ?

Non, ce sont des étapes à respecter, tout dépend du patient. Avec des gens en soins palliatifs difficiles à mobiliser, il est possible de faire des séances de deux minutes.

- Question Différence hypnose/distraction ? Pour piquer un enfant certains praticiens font de l’hypnose conversationnelle. Ils tamponnent un petit éléphant sur la peau de l’enfant et lui demandent dans quelle jambe ils vont piquer l’éléphant. L’enfant répond dans la droite. On pique en parlant d’éléphant ou d’autre chose, et ensuite on demande à l’enfant si l’éléphant a eu mal. De cette façon, l’enfant s’est dissocié de la partie qui été piquée. Les gens qui ne connaissent pas l’hypnose disent c’est de la distraction. Comment expliquer formellement la différence entre hypnose et distraction ?

C’est l’intensité de la focalisation. Une différence de degré.

- Question sur la maladie des musiciens. Cas d’un guitariste qui ne contrôle plus le mouvement de ses doigts dystonie focale, précisément son petit doigt. Le seul traitement connu c’est la kinésithérapie et cela n’a pas d’efficacité. Est-ce que l’hypnose peut aider ?

C’est une maladie qui est bien analysée chez les musiciens. C’est une maladie professionnelle ce sont eux qui sont touchés et les traitements sont effectivement décevants. A ma connaissance l’hypnose n’a pas été testée.
En matière de motricité on n’est pas en avance, on en est aux sujets sains. Ce corps de symptômes là ce serait vraiment intéressant de voir avec l’hypnose. Il faudrait que les musiciens atteints aillent consulter un hypnothérapeute et voir s’il y a des améliorations possibles, à mon avis il y en aura. L’hypnose c’est une, deux ou trois séances. Elle fait partie des thérapies brèves.

- Remarque de la salle. J’ai connu un claveciniste avec ce type de problème et très souvent il y a peut être un mal être, la relation à son instrument, à sa profession ou autre…très souvent c’est une réorganisation des affects et ça l’hypnose peut avoir des résultats et très rapides Il y a peut être un malaise psychologique du rapport à l’instrument et il peut y avoir un aspect neurologique.

Reprise de la réponse par l’intervenant distinction neurogenèse versus neuroplasticité.
Les musiciens sont très étudiés en neurosciences parce qu’ils n’ont pas le même cerveau que les autres, à force de jouer de leur instrument ils finissent par modifier les zones de leur cerveau, cela a été montré pour les musiciens. S’ils arrêtent leur instrument la zone dégonfle et s’ils reprennent elle regonfle, pour les gens qui apprennent à jongler aussi. Ce sont des zones du cerveau qui se développent mais ce n’est pas de la neurogenèse c’est de la neuroplasticité.

Neurogenèse : c’est chez le fœtus et le petit enfant la multiplication des neurones à l’intérieur du cerveau. Chez l’adulte, il n’y a que quelques zones où les neurones se multiplient. Il s’agit de la zone temporale interne et l’hippocampe (la zone de la mémoire et des phobies), et le lobe basi-frontal vers le bulbe olfactif. Les autres neurones du cerveau ne se multiplient plus.

Neuroplasticité :
Comment vous allez vous débrouiller avec un bout de cerveau en moins ? C’est là qu’intervient la neuroplasticité. Vous allez vous adapter, créer de nouvelles connexions pour suppléer aux dégâts subis.
Fonction du lobe temporal frontal : il y a deux petites zones où les neurones continuent à se multiplier. Les méditants n’ont pas le même cerveau que les autres. Ils perdent moins leurs neurones que les autres. Quand je parle de gonflement, c’est de la volumétrie cérébrale haute résolution chiffrés en millimètres cubes. Chez les adultes on peut avoir des gonflements et dégonflements mais ce n’est pas de la neurogenèse, c’est de la neuroplasticité.

- Question : Et les danseurs ?

On commence à s’intéresser aux danseurs, on réfléchit à certains protocoles et certains chorégraphes de leur côté utilisent l’hypnose en préparation mentale des danseurs. L’hypnose c’est bien pour les traqueurs, c’est une technique très performante. Les arts martiaux c’est un peu la médiation en mouvement, de la danse méditée. Nous avons un protocole en cours.

L’hypnose c’est apprendre une technique qui va vous servir toute votre vie, comme apprendre un instrument de musique ou jouer au tennis. On apprend à entraîner son corps. On peut apprendre à entraîner son mental. On apprend au cerveau avec l’auto hypnose une technique particulière. L’objectif de l’hypnose c’est l’autonomie. Ce n’est pas d’avoir des gens qui reviennent parce qu’ils ne peuvent pas se passer de vous. Les gens font les exercices chez eux.
Leora Kuttner une psychologue de Vancouver a été la première à utiliser l’hypnose avec les enfants en cancérologie. Elle a interviewé les enfants tout petits, elle les a filmés 5-6 ans avec leur cancer et les gestes qu’ils faisaient sous hypnose. Elle les a revus 15 ans plus tard et leur a demandé ce qu’ils avaient fait de l’hypnose. En fait, ils continuaient à l’utiliser pour passer un examen, préparer un entretien ou atténuer une douleur.

- Question : Les bienfaits de l’hypnose sont-ils comparables au sommeil ?

Le sommeil c’est le moment où votre corps travaille tout seul et un tas de choses se réparent. Vous laissez le cerveau faire son travail automatique. Quand vous faites de l’hypnose c’est un peu pareil, vous stoppez le fonctionnement de la veille.
Une des métaphores utilisées par les hypnothérapeutes : « et maintenant vous pouvez laisser votre petit thérapeute intérieur faire son travail, n’intervenez pas laisser le faire ». Vous ne pouvez pas forcer quelqu’un à guérir. Quand vous vous coupez, vous ne vous demandez pas comment vous allez faire pour cicatriser. Il y a tout un tas de choses qui se réparent toutes seules.

- Question : dans la dépression, la nuit n’est pas réparatrice au réveil, est ce que l’hypnose peut aider ?

Vous allez avoir des surprises dans les semaines, les mois, les années à venir. De plus en plus de psychiatres se détournent des antidépresseurs, parce que c’est tout un business. Ils se tournent vers des techniques en rapport avec l’hypnose. Si vous regardez les critères diagnostiques de la dépression, souvent on se reconnaît tous plus ou moins là dedans, au moins sur certains paramètres. A part les dépressions extrêmement graves ou des situations bipolaires très précises dans lesquelles il y a un risque suicidaire très, très élevé, probablement on assiste à un reflux massif de prescriptions d’antidépresseurs sur la planète.

- Question : l’hypnose ouvre-t-elle pour les schizophrènes des perspectives de thérapie notamment au niveau de l’impression de la perte de contrôle de ses actes ?

Hypnose et psychose c’est la contre-indication pour les gens qui ne sont pas psychiatre. Le psychiatre va déterminer s’il utilise les médicaments, l’hypnose, ou les deux.
Pour ce qui est de la justice c’est beaucoup plus tranché que cela : soit vous êtes responsable de vos actes, soit vous ne l’êtes pas. Dans ce cas vous allez en hôpital psychiatrique, en service fermé. La justice est très binaire dans ce domaine là.

- Question autour du traumatisme psychique. Le traumatisme psychique crée une empreinte à vie où les mêmes conditions vont entraîner les mêmes réactions. Est ce possible de faire oublier au cerveau à tout jamais ce qui s’est passé, par exemple avec des rescapés de camp, ou du moins que la personne ne soit plus sensible ?

Mario Beauregard et Vincent Paquette ont travaillé sur la phobie des araignées. Ils ont montré les modifications du cerveau par IRM fonctionnel avant et après thérapie cognitivo-comportementale. Les phobies sont un domaine passionnant. Nous avons travaillé sur la claustrophobie en IRM avec une séance d’hypnose très brève juste avant de faire l’IRM. Ce sont des gens qui viennent, ils ne disent rien. On les met dans la machine et ils sortent en hurlant « Sortez-moi de là ! » du coup l’examen n’est pas possible. Nous avons identifié 20 claustrophobes graves. L’hypnose leur a été proposée, 17 ont accepté. Ils ont bénéficié d’une séance unique de 2 minutes 30 et l’examen IRM a été possible. Ils ne sont pas guéris mais leur vécu a été rendu plus confortable. L’idée des phobies c’est qu’il ne faut pas les faire disparaître complètement. Si vous n’avez plus peur du feu, du danger ou du vide cela peut devenir dangereux, votre vie peut devenir un vrai cauchemar. Les gens qui n’ont pas la sensation de la douleur, vivent de vrais cauchemars parce qu’ils se brûlent sans arrêt et donc l’idée c’est de savoir jusqu’où on peut descendre dans le contrôle de la phobie. C’est tout le problème des stress post-traumatiques parce que la personne qui a été violée, il vaut mieux qu’elle garde dans son cerveau que c’est pas bon pour la santé. Les phobies c’est embêtant quand ça envahit le champ de la conscience mais ce n’est pas embêtant quand vous vous en servez dans les situations d’urgence. Il ne faut pas rendre les gens inconscients. Vous voyez un serpent, vous partez en courant. C’est tout à fait comme ça qu’il faut réagir. Tant mieux, il faut un bon catalogue de phobies adaptées à la vie de tous les jours. Si vous êtes inconscient du danger vous allez finir dans le plâtre, dans le coma ou perdre la vie.

- Remarque de la salle : Et dans le cas des traumatismes graves dont vous parliez, jamais en hypnose on oublie. Enfin… on peut créer des amnésies, mais dans des circonstances très particulières. Ce qui se passe on réorganise les affects, on réorganise la perception de l’évènement, ça crée éventuellement un phénomène de résilience qui permet à la personne d’utiliser ce qu’elle a vécu, pour en faire quelque chose de plus mais il ne s’agit pas d’oublier.

On sait effacer la mémoire, il y a les électrochocs, mais la mémoire à court terme seulement. Les souvenirs anciens on les garde. Par contre, quand ça envahit votre quotidien il faut intervenir. Quand ça donne des atrophies de l’amygdale où les gens sont obsédés toute la journée par ce qu’ils ont vécu, là il faut faire quelque chose : aider les gens à retrouver leur neurogenèse.

- Commentaire de la salle dans l’ESPT, le stress post traumatique apparaît lorsqu’il y a menace de mort imminente vécue par la personne. J’ai pris en charge le cas d’un jeune garçon agressé par un chien son bras était complètement décharné j’ai utilisé une technique de dissociation il avait des sursauts et mettait son bras devant ses yeux.


- Question : différence hypnose et méditation ?

Il y a une similitude ils ont les yeux fermés. Les neurosciences montrent qu’il s’agit de deux choses différentes. L’apprentissage de la méditation c’est plusieurs années. L’hypnose se fait et s’apprend vite. Il y a des études qui montrent qu’en méditation il y a des modifications de l’électroencéophalogramme en hypnose non. Il y a des différences de volumétrie.

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