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Janet : La folie impulsive, les idées fixes, les possessions - Partie 2 Chapitre III

vendredi 2 décembre 2011, par psyfph2

La folie impulsive (VII)

Il s’agit de l’accomplissement d’actions auxquels le sujet tente de s’opposer et dont l’idée parvient à la conscience. Janet les examine du point de vue de sa théorie de la désagrégation écartant ceux qui se produisent au moment d’une éclipse momentanée de la conscience (épilepsie).
Il y a pour lui un continuum des actes les moins élaborés — chorée, tics, où l’individu qui les perçoit ne semble pas pouvoir résister à leur exécution — aux actes les plus complexes. Il s’agit de désirs violents où le sujet est poussé à accomplir un acte odieux ou criminel (aujourd’hui il s’agirait probablement d’une phobie d’impulsion présente dans les névroses obsessionnelles ou selon la classification du DSM-IV-TR du Trouble Obsessionnel Compulsif). Janet décrit un mécanisme très proche de la compulsion : « L’acte est accompli, alors ils respirent, se calment, se réjouissent, non pas de l’acte qu’ils ont fait et qui leur est toujours en horreur, mais du soulagement qu’ils éprouvent à ne plus sentir cette horrible torture et à reprendre la libre disposition de leur esprit. ».p.396.
Janet fait de ces impulsions la résultante d’actes incomplets ayant pour point de départ la personnalité seconde, mais qui seraient toutefois perçus au cours de leur développement par la personnalité ordinaire. A partir de la tendance motrice éveillée par l’acte, la personnalité ordinaire pourrait dans le meilleur des cas à discerner l’idée inconsciente qui en est à l’origine, soit à seulement tenter de s’opposer à un mouvement qui lui est étranger ou enfin à « inventer des raisons pour expliquer l’acte » p.400.
Dans certaines de ses expériences Janet par le moyen de la distraction supprime cette « conscience en retour de l’acte » le sujet ne s’apercevant alors de rien l’acte s’accomplit.
La même chose s’observe pour l’écriture automatique avec des sujets dont le bras est anesthésié, ou qui leur a été caché à l’aide d’un écran : la conscience en retour étant alors supprimée (pour peu que le sujet ait perdu le sens kinesthésique) la personnalité ordinaire ne sait ce que le membre exécute.
En revanche, lorsque les sujets ont conservé le sens kinesthésique aperçoivent leur écriture et la lisent « à mesure qu’elle s’écrit ou [ils la sentent] d’après les mouvements de [leurs] bras » p.401.
Beaucoup de spirites ont remarqué ce fait, mais plus curieux encore le médium devinant aussi l’écriture de son esprit « la complète quelque fois consciemment et collabore avec lui dans des cas singulières rédactions » p.401.
On voit ici comment deux groupes de phénomènes en arrivent à une forme de collaboration bien que l’un d’entre eux reste inconscient : « il peut y avoir une sorte de connaissance et de conscience de l’acte qui est cependant inconscient, c’est-à-dire qui a son point de départ en dehors de la personnalité normale du sujet » p.402.
Ainsi les « impulsifs » restent bien des individus désagrégés quoiqu’ils aient conscience de leurs impulsions. »
« Ces impulsions nous ont donc montré une forme intéressante d’acte désagrégé incomplet, c’est-à-dire à demi connu par le sujet, mais dont le point de départ, au lieu d’être dans la première conscience, comme nous l’avions vu dans nos études sur le pendule enregistreur, se trouve en réalité dans la seconde. » p.403.

Les idées fixes les hallucinations (VIII)

Janet décrit les impulsions qui se présentent comme une idée au lieu d’un acte (obsessions idéatives) en y rangeant aussi les hallucinations : « Tantôt ces idées se manifestent sous la forme d’une hallucination de l’ouïe, c’est une phrase que les malades entendent tout d’un coup résonner à leurs oreilles sans aucune raison plausible, « sans qu’elle ait aucun rapport avec les pensées précédentes » L’un entend une voix qui lui répète : « Ne bouge pas ou tu es perdu », et il reste immobile « dans une apparente stupeur »p.403.
« Un autre entend une voix qui lui commande de jeter dix francs dans la Seine. Tantôt ces idées semblent rester plus abstraites, sans prendre la forme d’une hallucination de l’ouïe. Ce sera, par exemple, une question que le malade se pose sans cesse : « Pourquoi les couleurs sont-elles inégalement réparties ? pourquoi les arbres sont-ils verts ? pourquoi porte-t-on le deuil en noir ? » Ce sera une crainte, une idée de persécution : « un individu pense sans cesse qu’il sera empoisonné par le raisin d’une vigne près de laquelle est tombé un fragment de nitrate d’argent ». p.403.
Le même phénomène est identique à celui des impulsions motrices : un groupe d’idées reste étranger au moi, il n’est pas intégré, mais parvient toutefois à la conscience. Ce point peut paraître contradictoire à l’hypothèse de la désagrégation puisque ici les idées du second personnage subconscient se manifestent à la conscience du premier, sous formes d’hallucinations par exemple.
Cette contradiction n’est qu’apparente. Le phénomène peut d’ailleurs être reproduit expérimentalement. Ayant plongé une de ses patientes (Léonie) en somnambulisme profond Janet charge sa seconde personnalité de dire quelque chose à la première. Au réveil l’hallucination se produit et Léonie demande : « Qui dit bonjour ? » Janet a lui aussi entendu le mot « bonjour » car Léonie l’a bien prononcé mais tout bas (Remarque : dès lors il ne s’agit plus d’une hallucination mais d’une illusion puisqu’il y a dans ce dernier cas un objet à percevoir). L’hallucination a donc sa source dans une parole automatique réellement prononcée par la patiente, mais non intégrée par sa personnalité ordinaire, de la même façon que le médium lit sa propre écriture en la découvrant.
Des propos tels que : « On influence ma pensée […] on me fait parler malgré moi » p.406 relèvent selon Janet d’impulsions du langage. L’esprit conscient développe son idée fixe comme il le veut et augmente son délire, mais l’idée elle-même vient d’une parole automatique qui ne dépend pas de cette pensée consciente » p.406.

Il est cependant difficile de rendre compte de toutes les collaborations possibles entre conscient et subconscient. En effet que ce soit le phénomène de l’audition du mot « bonjour » par Léonie, ou celui du mouvement musculaire de sa main écrivant perçu par le médium ces derniers ne sont pas toujours perceptibles. Comment peut-il y avoir collaboration sans conscient/subconscient en l’absence de cette perception ? Il faut alors admettre une hypothèse supplémentaire : le phénomène subconscient a accédé sans intermédiaire à la conscience. Voilà qui est contradictoire puisque le principe des phénomènes subconscients est précisément d’être distincts de la conscience. Comment peuvent-ils se rattacher les uns aux autres tout en restant désagrégés ?
Ce point Janet dit l’avoir déjà remarqué au cours d’expérience de suggestion par distraction avec point de repère. Ainsi il donne la consigne suivante à une patiente :
« Quand je toucherai ton pouce tu verras rouge, quand je toucherai ton petit doigt tu verras jaune » p.407 or dans l’expérience ce sont les doigts de la main gauche que touche l’expérimentateur, laquelle bien qu’anesthésique entraîne l’hallucination consciente.
Ainsi une sensation subconsciente sert de point de repère à une hallucination consciente. De cela il ressort que « l’association automatique des idées est une chose et que la synthèse qui forme la perception personnelle à chaque moment de la vie et l’idée du moi en est une autre […] celle-ci peut être détruite tandis que celle-là subsiste » P.408. L’expérience montrerait que seule l’association automatique des idées subsiste-il s’agit d’une synthèse ancienne qui se substitue à l’effort de synthèse actuelle.
Janet oppose alors l’association automatique des idées à la perception personnelle. Des phénomènes apparemment nouveaux ; idées fixes ainsi que certaines hallucinations « sont simplement des applications des lois présentées précédemment. ».

Les possessions (IX)

Comme nous l’avons vu l’élément désagrégé peut se déceler dans des phénomènes complexes :
Hallucinations, idées fixes, simples contractures... Il peut se manifester de bien d’autres manières affectant la santé morale et physique de l’individu conscient. Cette pensée désagrégée peut conduire à l’expression d’attitudes corporelles affectant en retour l’individu conscient.
Une attitude permanente de tristesse déterminée par une idée subconsciente conduira à la perception de l’émotion correspondante sans que pour autant la personnalité normale en connaisse le motif : « « j’ai peur et je ne sais pas pourquoi » pouvait dire Lucie au début de sa crise […] c’est que l’inconscient a son rêve et met le corps dans l’attitude de la terreur » p.409.
Cette pensée persistant en dehors de la conscience entraîne un grand nombre de désordres physiques et psychologiques.
Janet présente le cas Marie et comment suite à sa prise en charge elle a cessé de présenter : amblyopie, vomissements de sang, accompagnant ses crises d’hystérie au moment de ses époques (règles). Janet a inventé pour cela une technique de substitution d’images pour supprimer l’amblyopie couplée à une mise en récit de l’événement traumatique.
Il remarque que « les suggestions thérapeutiques, en particulier, les suggestions relatives aux règles n’avaient que de mauvais effets et augmentaient le délire » p.411.
Il recourt alors au somnambulisme profond pour « ramener des souvenirs en apparence oubliés »
(Méthode utilisée avant Janet par Bourru et Burot avec leur patient Louis V... et après Janet par… Freud et Breuer…). Les possessions proviennent de la désagrégation psychologique elles résultent seulement d’une plus grande complexité des phénomènes de la vie subconsciente qui ont acquis une autonomie suffisante pour s’imposer à la vie consciente. Le sujet est possédé parce qu’il en vient à interpréter son état en fonction des superstitions dominantes, il est alors sous l’emprise d’Astaroth, Léviathan... ce ne sont là que des traductions populaires de vérité psychologiques.
Il existe des séparations légères où les phénomènes subconscients ne sont que des incidents de la vie consciente, ils peuvent exagérer la personnalité normale mais ne la modifient pas.
Dans d’autres cas, la personnalité normale parle pour son propre compte mais avec l’assentiment de la première personnalité. Enfin, il y a des cas où la personnalité anormale s’impose à l’attention du sujet au point de le troubler, de lui ôter sa liberté il s’agit alors de possessions, mais c’est toujours le même mécanisme psychologique.

A suivre... La prochaine fois : La faiblesse et la force morale.

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